• Les "Bipos" suite 1

     

    Cet article fait suite à celui de la conversation reportée de facebook entre trois personnes bipolaires.
    Le titre "Bipo" vient de la façon dont les bipolaires s'appellent entre eux avec dérision et qu'il me plaît d'adopter car elle est comme un petit parfum d'humour dans le monde parfois sombre de la bipolarité.

    Il est composé sur le mode question/réponse, c'est avec Entonin que la conversation est engagée.

    Question du 24 Février à 11h49:

    Et si nous avions nous les bipos une particularité physiologique? Des recherches tournent autour de l'hipocampe qui pourrait avoir une particularité ou une anomalie. Moi je pense que nous avons des différences génétiques ou physiologiques ou que nos phases peuvent nous abimer physiologiquement d'une manière pas forcément réversible. Qu'en penses-tu?

    Réponse:

    Entonin, Je répondrai ici à ta première intervention. Elle contient deux questions en une seule, si tu veux bien, nous allons les décomposer.

    Dans la première, tu me demandes si finalement ce ne serait pas une ou des particularités biologiques qui causeraient la bipolarité, et pour argumenter ta question, tu t’appuies sur les recherches faites actuellement autour de l’hippocampe.

    Dans la seconde, tu demandes si les passages d’une phase à l’autre ne peuvent pas, en eux même, induire des dommages physiologiques.

    Concernant la première, je dirais simplement  que tu es possiblement dans le vrai, ce sont des raisons que l’on ne peut pas écarter.
    De fait il est indispensable que la recherche avance et nous renseigne sans négliger aucune piste.
    Je le dis ainsi, et très sincèrement,  même si mon avis est il y a ici confusion entre les causes et les effets.

    Mon sentiment est que si on constate des anomalies physiques liées à la bipolarité, elles ne sont apparues que comme les conséquences causées par les troubles qui entrainent la bipolarité.

    Pour illustrer mon raisonnement, je ferais un parallèle avec ce qui se passe avec les anticorps.
    Les anticorps disposent d’un système immunitaire inné et d’un système immunitaire adaptatif.
    C’est le système immunitaire adaptatif qui « réfléchit » et « invente » les nouveaux systèmes de défense lorsqu’un agent pathogène nouveau est rencontré.
    Ce « laboratoire de recherche » occupe un lieu physique sur l’anticorps lui-même et n’apparaît que chez ceux qui en ont besoin, un peu comme le besoin en une nouvelle fonction entrainerait la création d’un nouvel organe ou la modification d’un organe existant.
    ( Je ne dis pas que les anticorps sont des organes, hein, c’est juste une image ! )
    A titre d’exemple, tu ne trouveras d’anticorps structurellement adaptés à combattre la malaria que chez les sujets qui ont été exposés à la malaria.

    De la même façon, s’il y a des particularités cérébrales qui n’apparaissent que chez les bipolaires, c’est possiblement parce qu’ils  sont les seuls à avoir besoin de ces lieux ou se développent ce type de mécanisme de défense. Ils sont les seuls à avoir été exposés à ce qui conduit à la bipolarité, ou tout au moins, ils sont les seuls à y avoir été exposés avec une intensité telle que la bipolarité s’est déclenchée.

    Concernant la seconde, il me parait assez vraisemblable que des troubles psychiques aigües puissent finir par jouer sur le physiologique, mais à quel niveau, au bout de combien de temps, dans quelles circonstances ? Je suis très très loin d’être le mieux placé pour te répondre, tu sais que cela n’est pas mon champs de compétence.

    Pour résumer la manière dont je vois les choses, je dirais que les « particularités » dont tu parles pourraient être soit une nouvelle organisation neurologique en formation….Soit, une zone « abimée » , une distorsion du schéma « normal »…..mais toujours induits par la pression de ce qui cause la bipolarité !
    Sans vouloir tenir de position idéologique sur le sujet mais basé sur l’observation, la connaissance de la nature et l’intuition, je dirais que la bipolarité est née d’un trouble psychique dont l’intensité a brisé l’unité de l’être d’une façon atypique.
    Je dis d’une façon atypique car tous les autres troubles destructeurs conduisent à de la dissociation et à de l’aliénation tandis que la bipolarité, elle, est un découplage.
    Le sujet est carrément enchâssé dans un monde binaire qui le domine.

    Bien entendu, tout ceci est spéculatif et je ne demande à personne d’être de mon avis, ce n’est que mon sentiment  par rapport à une question posée dans un domaine qui n’est pas le mien.

    Ceci étant, le fait que je me trompe ou pas sur ce point n’a pas beaucoup d’importance, je n’ai pas le pouvoir d’empêcher ce type de recherche, et même si je l’avais, je ne l’empêcherais pas car il nécessaire savoir !

    Par contre, pour revenir à un domaine qui m’est plus familier,  il me parait important d’attirer ton attention sur l’inconvénient qu’il y aurait  à mettre tous ses espoirs exclusivement dans la médecine et la recherche.
    L’espérance est une grande et belle chose, y compris pour les bipolaires, mais ici et en cette circonstance, elle conduirait à une position attentiste plutôt improductive.
    Pire que cela, elle transformerait l’attente en une sorte de dépendance envers un hypothétique succès médical.
    Je te ferais remarquer qu’en l’espèce, non seulement une telle attente obstinée rajouterait de l’enfermement et de l’impuissance là où il y en a déjà mais elle deviendrait une véritable caricature d’une bipolarité qui s’autoalimenterait.

    L’espérance dans son aspect « attente de succès médical » y serait calquée sur la phase haute dans la mesure où la solution médicale n’existe pas à ce jour.
    Elle ne procède que d’une réalité purement hypothétique et se pose comme  un lieu où le sujet se projette hors de sa condition, un endroit où sa souffrance pourrait ne pas exister ou être différente……. Tout comme un sujet en phase haute trouve refuge dans le monde immatériel de l’inconscient en cherchant un lieu où sa souffrance pourrait ne pas exister ou être différente.

    A l’inverse, l’aspect « sans espoir de l’attente », la conviction que son destin est définitivement scellé et qu’on ne sortira jamais de cet état parce que justement il n’y a pas de médicaments ou pas de chirurgie qui peuvent aider ;
    La conviction que l’on est sur une pente fatale, aspiré par un trou noir dans lequel on va disparaître et mourir, lui, se calque sur la phase dépressive.

    Dans ces deux cas, l’attente est prétexte à ….attendre, et justifie que l’on ne fasse rien…..

    Il se trouve que mon travail consiste, au contraire, à faire quelque chose !

    Et c’est pour cette raison que je dis, avec tout le respect dû à la médecine et à la psychiatrie, qu’il est humainement souhaitable de proposer aux bipolaires une perspective plus ambitieuse que la simple attente stabilisée et que s’il est important de mener de vraies recherches médicales sur la bipolarité, il est tout aussi important d’accompagner le sujet  en parallèle avec une vraie psychothérapie

     

     


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