• Arbre mort, animus prisonnier

     

    Voici deux peintures réalisées par la même personne.
    Elles datent d’une période ou l’artiste, qui est une femme, ne se souvenait plus de ses rêves, et selon ses propre mots, elle peignait comme elle aurait fait un rêve éveillé.

     

    Comme pour certaines histoires qui s’écrivent en plusieurs chapitres, ces deux tableaux, sont deux parties d’un même thème. 

    Arbre mort, animus prisonnier

     

    Arbre mort, animus prisonnier

     

     
    Le premier tableau désigne les origines du trauma, le second en exprime les conséquences. 

     Dans le premier tableau, qui présente un certain fondu de ton et de paysage, l’impact traumatique pourrait presque passer inaperçu !

    De gauche à droite, dans les deux tiers de l’espace, la scène est harmonieuse et calme.      
    Un couple s’aime, protégé par des collines, bien centré entre soleil et rivière.
    Tout le cosmos symbolique est en configuration paisible et l’amour s’annonce explicitement fécond. 

    Le dernier tiers de l’espace montre pourtant que la conclusion de l’histoire n’est pas si idyllique que ça.

     

    L’arbre symbolique du nouveau-né est stérile, sans feuille ni fleur, la sève de la vie n’y passe pas et sa mère nourricière est représenté sous la forme d’un prédateur nocturne, le loup.

    Le tableau nous parle de l’artiste, elle est donc cet enfant nourrit au lait de louve.
    Nous comprenons que la fonction maternante de sa propre mère est troublée, et le don, au travers du sein, nous parle d’une transmission, d’un héritage.
    Il s’agit donc d’un trouble trans-générationnel.

     

    En langage plus psychique, nous pouvons dire que cette mère assèche l’aspect  mythique, symbolique de la vie et ne nourrit que son aspect physique, matériel.

    La part sacrifiée de l’être, cette part dévorée par cette mère-louve est probablement ce qu’il y a de meilleur dans la nature humaine : La capacité à accueillir l’autre, et plus particulièrement celui qui est fondamentalement autre, et ici, pour cette petite fille  "l’amoureux". (L’animus ).
    C’est cette capacité à pouvoir se relier au sexe opposé selon une relation d’amour qui est asséchée dès la naissance et qui ne laisse à la sexualité que sa fonction matérielle de reproduction et de plaisir physique.

    Nous pouvons donc voir venir les choses d’assez loin et comprendre que le fait de dissocier le sentiment amoureux de la sexualité a pour conséquence d’évaporer tout le côté joyeusement magique de l’amour et de n’en garder que l’aspect fonctionnel.

     

    Cela a pour conséquence d’étouffer dès la naissance l’élan naturel de la petite fille à rechercher son autonomie et à se projeter hors de la famille pour se réaliser.

    Sans cet élan intime, il n’y a plus de possibilité personnelle, et c’est tout automatiquement qu’elle acceptera de déléguer au clan le soin de lui choisir un époux, envers lequel, bien sûr, selon l’honorable tradition, elle assurera bon soin,  plaisirs et  descendance.   

    Encore une fois, ce n’est pas la vie de l’enfant, dans le sens biologique du terme qui est dévoré par la mère-louve, mais c’est sa future capacité à l’autodétermination, c’est sa future capacité à s’appartenir et à s’accomplir librement une fois devenu adulte.

     

    Dans cette configuration, le sujet pourra toujours inspirer des sentiments amoureux à des "galants" mais il rejettera systématiquement les avances dans la mesure où elles seront ressenties  comme étrangères et anxiogènes.

    Par contre, même si nous n’étions  pas strictement dans un cas ou la famille choisirait un mari pour elle, elle ne nouerait  de toute façon des relations amoureuses qu’avec des partenaires plus rassurants, au profil en phase avec les principes du clan, faits de patriarcat au seul service du patriarcat.

    Que les choses soient bien claires : il s’agit d’un véritable formatage.

    Ces principes destructeurs envers la dimension mythique de la  féminité induisent la soumission systématique à la force physique et à l’intellect raisonneur.

    L’artiste est née et a vécu en pays musulman, dans un milieu intellectuel et politique. 
    De fait, le rapport de force lui a autant été imposé de manière indirecte, véhiculé par la pression sociale, que de manière ouverte et assumée par l’idéologie familiale.

    Dans son besoin de reconnaissance, l’artiste a été très tôt un petit prodige de l’écriture et de l’intellectualité, en phase avec ce que l’on attendait d’elle.

    Ce n’est que plus tard dans sa vie, lorsque mère à son tour elle a refusé que les archaïsmes patriarcaux emprisonnent sa propre fille dans leur idéologie qu’elle s’est révoltée contre le système…..et que s’est déclenché la tourmente !

    Plus techniquement, ce que l’on entend par "dévorer" (détruire) la capacité d’accueil » correspond à neutraliser, à castrer l’archétype de liaison, l’animus.

    Lorsque l’animus est castré, par réflexe de survie, l’inconscient se replis automatiquement sur un mode de dépendance à l’autorité masculine.

    Castrer l’animus c’est couper les ponts entre les instincts et la croissance, c’est briser le lien entre la sexualité et l’amour et c’est briser l’élan qui permet au jeune adulte de s’émanciper.

    Tel est l’héritage psychique dans lequel sa mère l’a enfermée dès sa conception et dont elle s’est évertué à parachever le blindage au travers de son éducation : En accord avec le patriarcat, les femmes peuvent être des amantes, des mères au sens reproducteur du terme, mais pas surtout pas des êtres émancipés et libres d’aimer en dehors des préceptes du clan.

    Passons maintenant au deuxième tableau que nous rappelons ici :

    Arbre mort, animus prisonnier

     

    Nous retrouvons notre fameux amoureux mythique, l’animus, selon CG Jung.

    Nous retrouvons également l’autre extrémité de l’arbre de vie, toujours sans sève, sans fleur, ni feuille.

    Par le fait que nous sommes dans le psychique, nous savons que les contenus ne meurent pas.

    Malgré toute la férocité de la louve, l’animus n’est pas mort, il est comme la belle au bois dormant, juste endormi en attendant le baiser magique !

    Nous pouvons constater qu’il a encore des ailes.
    Ces ailes sont l’attribut exclusif de la mythologie et de la sphère archétypale ou elle évolue.

    Nous pouvons également constater qu’il n’est pas confortablement lové au milieu de son abri mais juste au bord, à cheval, pour moitié à l’intérieur, pour moitié à l’extérieur.

    Nous pouvons comprendre qu’il a bien été appelé au moment de la naissance, au même titre que l’ensemble de tous les autres archétypes de l’être, mais que contrairement aux autres organes psychique, lui, n’a pas pu emprunter le chemin vers la conscience et qu’il est resté entre deux.

    Il n’est plus totalement au centre de la vie mythique, mais il n’a pas basculé non plus vers le monde de la conscience et de la chair.

    L’arbre de vie est l’axe symbolique le long duquel l’animus évolue, faisant la liaison entre la conscience et la psyché profonde.

    Ce que la louve dévore, c’est la sève, et cet arbre en est mort.

    Or, la vie ne peut être portée que par la vie et l’animus, qui est justement la quintessence du vivant ne peut pas l’emprunter dans ces conditions.

    La planète terre, que l’on voit, figures ici le corps de l’artiste vu du centre de la psyché, le lieu ou l'animus doit "descendre".

    Les autres éléments, en dehors du support ou repose le personnage, forment le complexe disparate de la féminité dissociée, son potentiel distinct (corps féminin) et moins distinct (planètes).
    Ils sont tous les contenus propres à la nature de l’artiste, à son identité.
    Ils sont ce qui avait vocation à s’intégrer à la conscience au fil du temps et à se réaliser dans le monde physique et qui stagne dans ce "no man's land" psychique, faute d'être porté vers la conscience par cet animus qui ne fait que dormir !
     
    Il reste à notre héroïne à se libérer de cette ancienne souffrance, de s’affranchir de cette dépendance à sa mère biologique, et surtout à apprendre à s’aimer, puisque la personne qui avait été désignée pour le faire ne l’a pas fait.
    Qu’elle apprenne à s’aimer pour qu’elle devienne sa propre ressource et qu’elle devienne, en quelque sorte, son propre parent.

    Il doit en être ainsi pour que la sève circule à nouveau dans l’arbre de vie et que son potentiel sentimental se réveille et la rejoigne enfin, ici et maintenant, SUR TERRE, à son âge et à ce moment de sa vie.

    Elle le vaut bien ! 
     

     

     
     

     

     

     

     


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