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    Notre invité s'appelle, disons....Némopode.
    Il nous livre un récit tel un reportage vécu de l'intérieur.
    Le grand intérêt de ce type de témoignage vient de ce que le débordement de l'inconscient est limité, la conscience ne s'éloignant jamais trop loin, mais il vient surtout du fait que la rencontre n'est pas destructrice.
    Elle se lit au contraire comme une tentativre de recréer du lien là où le contact avait été coupé par les circonstances extérieures et l'environnement familial.
    Même si c'est sur un mode de disfonctionnement que les deux mondes s'entrecroisent et interréagissent, ils se dévoilent à nous sous un angle rarement observé car Némopode n'a pas de crainte envers les contenus de l'inconscient. 

     

    Maison Blanche été 1994

    Je vais pêcher dans mes souvenirs douloureux pour vous raconter ma première phase dite maniaque et l'hospitalisation qui suivit, j'étais étudiant en psychologie alors à l'université de Censier à Paris, depuis peu j'allais voir un psychanalyste avec qui ça se passait fort mal et qui absorbait tout mon argent, je n'osais le regarder durant les séances, le transfert était puissant et j'avais sans doute peur de lui, ou de ce que l'analyse pouvait potentiellement me reveler. J'étais dépressif chronique depuis ma première dépression mélancolique à l'age de vingt ans, j'avais 23 ans, je sortais peu à peu du cauchemar que j'avais vécu et essayais de retrouver une place sociale. J'avais un petit travail, surveillant et maitre d'études dans une école primaire du 18ieme arrondissement. Je n'avais pas une vie très équilibrée, je vivais seul et avais quelque amis mais pas de petite amie. Je souffrais de solitude donc et de dépression. J'écrivais beaucoup, je tenais des carnets et un journal. Je voulais voir un psychanalyste en même temps que mes études de psychologie, j'y cherchais des clés pour vaincre mon mal. Je ne sais pas exactement comment la phase maniaque commença, je me souviens de phases étranges où allongé sur mon lit je semblais par l'esprit aller ailleurs, je buvais beaucoup beaucoup d'eau, comme une purification, j'entendis des voix à plusieurs reprises, deux voix dans un potager notamment semblant commenter ma naissance. C'était très étrange, mon esprit partait en voyage psychique, j'avais un peu peur mais le laissais aller, mon laisser aller était complet et cela me procurait du plaisir, je me sentais plus spectateur qu'acteur. J'eu une seance chez le psy à ce moment là, ces jours là, je ne sais pas trop ce que je pus bien lui dire mais je me souviens lui avoir tendu mon portefeuille  à la fin de la séance pour qu'il se serve lui même, mais il ne le prit pas, et me dit de ne pas le payer ce coup là, il me dit de me rendre par contre à l'Hotel Dieu. Moi en pleine rêverie mystique ne compris pas qu'il me demandait de me rendre aux urgences de l'hopital..., à l'Hotel Dieu donc alors. Je me souviens avoir ensuite sonné à une porte dans son immeuble, une femme m'ouvrit et je lui dit de bien se rappeler de "Mister Chance", j'étais Mister Chance lui dis-je et partis. Il faisait très chaud ce jour-là et je me suis d'abord promené dans le quartier, les Halles, j'y passais souvent, ce n'était pas très loin de chez moi, j'ai rejoins quelques jongleurs qui se réunissaient en ce temps là derrière le forum et jongla un peu avec eux. J'étais haut, très haut, je me suis ensuite allongé sur le sol puis ai déposé mon portefeuille à coté de moi, je le laissai sciemment au moment de repartir. J'entrai aussi dans un restaurant et demandai de l'eau que l'on me servit. J'ai trainé dans les rues toute la nuit, marchant et marchant encore, je suis rentré alors que le jour se levait.

    Le lendemain je me souviens avoir appelé mon père à son travail. Alors que je lui parlais, j'entendis deux voix distinctes dans le téléphone, une voix méchante, presque diabolique, et une voix gentille. Une amie me téléphona ensuite et j'entendis encore deux voix provenant d'elle dans le téléphone, encore une fois une voix était gentille et une autre méchante.

    Ensuite mes parents sont arrivés, je les reçus très calmement, autour d'un verre d'eau encore une fois. Ensuite nous sommes sortis, et j'ai traversé la rue sans regarder autour de moi, je me sentais protégé; rien ne semblait pouvoir m'arriver, et ce n'est sans doute pas la mort qui pouvait alors m'effrayer. Mais mon comportement effraya lui mes parents qui me conduisirent, sans me dire où l'on allait, à St Anne. Je ne me rebiffais en rien. Arrivés à St Anne je n'avais aucune idée d'où j'étais, je me souviens vaguement d'un entretien avec un pschiatre durant lequel je le quittai pour passer par la fenêtre qui donnait dans un jardin, d'un autre entretien avec une infirmière à qui j'ai demandé si l'on baisait ici. Ensuite mes parents sont partis, et juste après j'ai vu plusieurs hommes s'approcher de moi, m'encercler, m'attraper, et m'attacher tel un crucifié sur un lit, pieds et poings attachés aux quatre coins du lit. Ils me piquèrent ensuite et je m'endormis.

    Lorsque je me réveillai j'étais dans une autre chambre non attaché. En fait j'avais été transféré durant mon sommeil de St Anne à Maison Blanche mais je ne le savais évidemment pas encore. Là la porte close s'ouvrit, cinq ou six hommes entrèrent, certains je le compris vite étaient là en renfort au cas où je me rebifferais. Je glissai alors sous le lit afin qu'ils ne puissent pas une nouvelle fois m'attrapper, Je me mis alors à proclamer des termes Lacanien: point de capiton, forclusion, et autres, une voix dit alors étonnée: "c'est du Lacan?", je le regardai, il était plutot jeune, c'était lui qui allait s'occuper de moi.

    Mon cas semblait l'interesser. Pour les entretiens je sortais de ma chambre close, et voyait ce jeune médecin qui était m'avoua t-il en analyse didactique avec un Lacanien... Mais il n'avait que peu d'expérience je suppose car il me mit sous Prozac et je repartis de plus belle, il ne savait pas que j'étais bipolaire, le diagnsotic n'avait été encore posé par personne, et il ne faut surtout pas filer du Prozac à un maniaque, alors qu'il m'avait libéré de ma cellule je me souviens m'être un jour déshabillé devant tout le monde sans raison et l'on me renferma. Il est très dur d'expliquer les heures qui suivirent, des heures de souffrances absolues, de régression absolue où j'allais même jusqu'à jouer avec mes excrément et plonger littéralement dans mon pot de chambre comme si cela allait me permettre de m'évader. Je suis resté en plein délire des heures, des jours peut être. Je ne sais pas s'il comprit qu'il avait fait une bétise mais arreta le Prozac. Ensuite j'allais mieux, je discutais avec les autres patients et j'attendais de pouvoir enfin être libéré.

    Au bout d'un mois, le jeune psychiatre partit en vacances sans donner d'ordre me concernant, ce qui fit qu'aucun autre ne voulut prendre de décision à sa place et que je dus rester un mois supplementaire et non nécessaire dans ce lieu sinistre. J'eu le droit d'aller dans le parc, j'y passais mes journées à marcher, voila comment je passais le temps en attendant son retour. Mais septembre approchait et il n'était toujours pas revenu. Tous les autres médecins s'en foutaient royalement. Le problème était pour moi qu'il me fallait reprendre mon travail à l'école primaire car la rentrée approchait elle aussi. Finalement il rentra le 30 aout, je sortis le 31 et repris mon travail dans un sale état le premier septembre, je lui en veux encore de m'avoir laisser moisir pendant un mois.

    Je le revis une fois à la permanence près de chez moi et lui dis mes quatre vérités.

     


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